Les « petites fourmis » de la MJC de
La-Celle-Saint-Cloud continuent leur incroyable travail de fond sur la
programmation et ont maintenu le concert de ce soir « Paris-Damas-Istanbul »
pour quelques dizaines d’irréductibles « sympathisants » qui, un soir de pluie,
un soir où la température a baissé de dix degrés par rapport à la veille, une
semaine après que des gens avec des passeports français ou belge – drogués à la
bêtise pure (pas coupée) et au Captagon – ont stupéfié la planète entière en
supprimant ou blessant 581 personnes au motif qu’elles étaient sur leur route
sournoise, et où il y avait même « Danse avec les Stars » sur TF1… Soirée
schizophrène, évidemment, du côté du public l’envie de faire honneur à la
musique savante de ces pays lointains aux sonorités sophistiquées mais la
moitié du crâne en mode Vigipirate, et du côté des musiciens la volonté
d’offrir généreusement tout leur savoir-faire et tout leur cœur mais doublement
troublés par le contraste entre leur merveilleuse musique et le vide sidéral
qu’elle occupe « là-bas » désormais, ainsi que celui entre la défense d’une
culture séculaire et de savoir qu’on ne peut plus la défendre « qu’ici »….
Mais, mais, mais… malgré cette cruauté intellectuelle et émotionnelle, la force
de la musique est bien là : elle apporte toute la palette des émotions par la
magie du jeu, par l’osmose entre instrumentistes (pas besoin de souligner
combien Zeki Ayad Çölas assure mais j’ai eu un vrai coup de cœur pour la voix
de « l’invitée » Hacer Toruk ?…) et par le partage avec le public.
Nous autres humains sommes fondamentalement imparfaits – puisque seul Dieu le
serait, disent les spécialistes – et ce soir nous avons donc été obligés de
voler de la joie, de l’amour, de la fraternité à l’insu de « l’adversité », de
tricher avec nos différences en les acceptant, de cacher que nous pouvons vivre
ensemble en harmonie… Rien que pour cela, je suis prêt à entonner encore notre
si imparfaite Marseillaise… Sans occulter du tout ce que nous avons entendu ce
soir qui donnait tour à tour le désir d’être un sultan à l’époque pré-ottomane,
une courtisane entendant la sérénade sirupeuse d’un prétendant ou l’étranger
remercié sur la mélodie de « L’auvergnat » ; un bien joli voyage dans le temps
et dans les civilisations.
Civilisation (1828). La civilisation : ensemble des caractères communs aux
vastes sociétés les plus évoluées ; ensemble des acquisitions des sociétés
humaines (opposé à nature, barbarie)…