L’œil de Miro. Finale
Euro de foot 2016. 10 juillet
Bien que la victoire était acquise, la tentation était grande de venir
virtuellement encourager l’équipe des Bleus en troupeau à la K’Bane à Boucan
devant un grand écran improvisé. Quelque chose que je n’avais jamais fait, et
pour cause : en football comme dans tant d’autres domaines, j’ai toujours
préféré le sort des vaincus que celui des vainqueurs et le sport professionnel
me déçoit depuis longtemps. Le côté binaire de la compétition m’étonnera
toujours (quelques centimètres, en hauteur, en largeur, en profondeur, etc.)
séparent en général celui qui va être sacrifié par le score de celui qui va
devenir une « légende », au demeurant assez éphémère).
Va pour la cohésion de groupe ! Sans compter qu’elle est a priori unilatérale :
ne se réunissent ensemble que des défenseurs d’une seule cause, d’un seul
drapeau ; le mélange de genre – la définition pourtant d’un fair-play oublié
même des anglais… – devrait être la norme et les joies et les déceptions
partagées sportivement et donc fraternellement… Passons !
Petit à petit, des mini-groupes arrivent timidement ; certains maquillés avec
panache et d’autres plus discrètement munis de petits drapeaux tricolores et
les plus facétieux – plus jeunes et désireux d’exister en superlatif face au
reste du monde – avec trompettes pour Stade de France qu’ils feront résonner
dans les quelques dizaines de mètres cubes de la salle et autour. Avant le
début du match, cela finit par constituer une belle assemblée à laquelle le
Maire s’est joint presque comme un cellois ordinaire (je vous rassure, je ne
connais pas de cellois ordinaire ; c’est une vue de l’esprit)…
Le match est assez quelconque mis à part la sortie pathétique de Monsieur
Ronaldo blessé et accablé. Est-ce cela qui a rendu les enjeux encore plus
futiles ? Ou bien la peur des deux camps qui a sclérosé les velléités de jouer
au football ? Peu importe, restait le score à faire basculer d’un côté ou d’un autre.
Ce qui fut fait presqu’en fin des prolongations (avec un assez joli but
individuel, il faut le dire), créant un sursaut d’intérêt pour une éventuelle
égalisation. Et puis hop, coup de sifflet de fin de partie !
Tout cela paraît injuste. La joie de vainqueur que l’on souhaitait se fabriquer
s’est volatilisée. Pour en bénéficier un peu, on aurait bien inconsciemment le
désir de se mettre au portugais ou bien reconnaitre que la bataille était rude…
Rien de tout cela pourtant. Aucune empathie ne nous autorise à nous renier pour
une si pauvre victoire. Et, après une déception digne, on retourne à la vraie
vie, heureux que les équipes se soient étripées pendant quelques semaines,
distribuant des ballons, des cartons jaunes, des corners, des erreurs d’arbitrages,
des buts d’anthologie et des contre-performances pour nous faire rêver à un
ailleurs possible.
Et nous avons, les uns et les autres, le sourire un peu fataliste parce que
nous nous rappelons, un peu sournoisement, que les plus beaux bonheurs, ce sont
ceux que nous nous construisons nous-mêmes.
Et qui restent une quête insatiable.
Il y a tant de finales à venir…
Vive le Portugal et vivent les Bleus !